Al-Qaïda, ONG, communautés peules … le point sur la situation au Sahel
Les exactions des diverses factions jihadistes, des armées locales et du groupe Wagner se multiplient au Sahel. Une dégradation des conditions sécuritaires qui a conduit MSF à annoncer la suspension de ses activités. Interrogé par Wassim Nasr avant cette annonce, le chef jihadiste Amadou Koufa avait réaffirmé la position du Jnim vis-à-vis des ONG. Le numéro deux du Jnim, groupe de soutien à l’islam et aux musulmans lié à Al-Qaïda, était aussi revenu sur les recrutements au sein de la communauté peule, prise en étau dans la région.
Au Burkina Faso, Médecins sans frontières (MSF) a alerté sur des incidents récurrents contre ses centres de santé, les points de distribution d’eau ou encore les locaux de l’organisation. L’ONG a annoncé, lundi 21 octobre, suspendre pour ses raisons ses activités à Djibo, importante ville du nord du pays encerclée par des groupes jihadistes. MSF a également déploré le manque de soutien des autorités locales. “Le travail des ONG est rendu très sensible et difficile car elles s’occupent des blessés et des malades, peu importe le camp. Et à chaque fois elles sont taxées, par certains, d’être de ce camp ou de l’autre”, explique Wassim Nasr, journaliste de France 24 spécialiste des questions jihadistes.
Interrogé par le journaliste, le chef jihadiste malien Amadou Koufa, numéro deux du Jnim (groupe de soutien à l’islam et aux musulmans lié à Al-Qaïda) a affirmé qu’il ne ciblait pas toutes les ONG, mais celles qui sont “instrumentalisées”. Sur le terrain, cela se manifeste, par exemple, par la décision du Jnim d’interdire les ONG à Tombouctou, au Mali, depuis le 17 août sous prétexte “que certaines des ONG utilisaient du matériel de contraception et que les jihadistes refusaient cet usage-là”.
Les Peuls pris en étau
Al-Qaïda a mis en place une stratégie de recrutement des populations peules, explique encore Wassim Nasr, notamment en plaçant Amadou Koufa, lui-même peul, en numéro deux du Jnim. Et l’arrivée des mercenaires russes de Wagner sur les terrains malien et burkinabé a contribué à pousser certaines populations peules dans les bras des mouvements jihadistes, a constaté Wassim Nasr dans un rapport pour l’école de guerre américaine West Point. Un constat confirmé par Amadou Koufa qui parle lui des “exactions commises par Wagner et par les Russes dépassant de loin ce qui a été commis par la France quand elle était là-bas”. “Ça contribue directement à l’engagement et l’enrôlement des Peuls dans les rangs des jihadistes”, estime le chef jihadiste.
Les Peuls, précise Wassim Nasr, fonctionnent par castes et ce sont plus fréquemment les personnes appartenant aux castes inférieures qui trouvent chez ces jihadistes une “forme de revanche”. Alors que les castes supérieures sont en général loyalistes au pouvoir en place.
Au Mali et au Burkina Faso, les populations peules se retrouvent donc stigmatisées et ciblées par des exactions des armées locales et de leurs supplétifs.
Guerre inter-jihadistes
Les jihadistes du Jnim sont eux aussi responsables d’exactions. D’après un rapport de Human Right Watch à paraître le 29 octobre, l’organisation jihadiste a tué à Barsalogho, un village du centre-nord du Burkina Faso, plus de 130 personnes recrutées de force par l’armée, mais considérées comme des miliciens par les jihadistes.
Par ailleurs, les Peuls paient aussi un lourd tribut dans les guerres inter-jihadistes. Le Jnim et le groupe État islamique s’affrontent depuis 2019 au Sahel. “Ce sont des guerres entre populations peules, les Peuls du Niger [ayant rejoint le groupe État islamique] et les autres du Macina [aux côtés du Jnim]” explique Wassim Nasr.
Parfois les trêves avec le groupe État islamique sont “obligatoires et nécessaires”, a aussi indiqué Amadou Koufa, ce qui prouve que des négociations ont pu avoir lieu entre les deux mouvements. Amadou Koufa a aussi estimé qu’aujourd’hui, du côté des juntes dominantes qui gouvernent au Niger et au Burkina Faso, “la porte des négociations reste ouverte pour ceux qui veulent négocier dans le cadre de ce qui est admis par la charia“.
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