Pour une réforme du modèle de participation de la Banque mondiale au financement du secteur primaire sénégalais

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« Chaque homme, femme et enfant a le droit inaliénable d’être libéré de la faim et de la malnutrition afin de développer pleinement ses facultés physiques et mentales ».

Cet extrait de la Déclaration universelle pour l’élimination définitive de la faim et de la malnutrition, proclamé solennellement en 1974 à l’occasion de la Conférence mondiale de l’alimentation, contraste pourtant fortement avec la situation qui prévaut à l’heure actuelle. En effet, se nourrir constitue de nos jours l’une des principales préoccupations de l’humain. D’après le Rapport de la FAO sur l’état de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde en 2023, entre 691 et 783 millions de personnes étaient confrontées à la faim. On le voit, la sécurité alimentaire constitue un défi majeur à ce jour, surtout dans ce contexte marqué par une forte perturbation des chaines alimentaires mondiales du fait, notamment, des manifestations de plus en plus accrues du changement climatique et de l’enlisement du conflit russo-ukrainien.

Fort logiquement, un tel phénomène n’est pas sans affecter les pays d’Afrique subsaharienne en général, et le Sénégal en particulier. De fait, le Sénégal parait vulnérable sur le plan alimentaire. Pour preuve, dans la Revue nationale volontaire publiée en 2022, la prévalence de l’insécurité alimentaire modérée ou grave y était, à l’époque, estimée à 17,4%, touchant ainsi 2.972.662 personnes. Pourtant, une année plus tard, malgré les mesures prises, cette situation s’est davantage aggravée comme l’atteste la Revue annuelle conjointe de la politique économique et sociale de l’année 2023 (RAC 2023) qui estime le taux d’insécurité alimentaire à 32%. C’est donc pour venir à bout de cette situation, conformément à l’objectif de développement durable n°02 des Nations unies, que les autorités se sont données pour mission d’atteindre la sécurité alimentaire avec l’appui d’institutions telles que la Banque mondiale.

En réalité, le Groupe de la Banque mondiale œuvre, avec ses partenaires, à la mise en place de systèmes alimentaires capables de nourrir l’ensemble des habitants de la planète[1]. À cet effet, elle accompagne les États à travers l’octroi de financements destinés à promouvoir un secteur primaire garant de la nutrition et du renforcement de la sécurité sanitaire de l’alimentation. Par exemple, en 2020, en vue d’accompagner le Programme de compétitivité de l’agriculture et de l’élevage, la Banque mondiale a accordé à l’État sénégalais un crédit de 150 millions de dollars[2]. Plus récemment, en janvier 2024, dans le cadre de la troisième phase de son Programme de résilience des systèmes alimentaires en Afrique de l’Ouest, une aide de 200 millions de dollars a été octroyée par l’institution de Bretton Woods au Sénégal pour renforcer la résilience de ses systèmes alimentaires[3].

Toutefois, malgré les efforts déployés à travers l’octroi de ces lignes de financement, le secteur primaire sénégalais, avec une part au PIB estimée en moyenne à 16% sur la période 2019-2023[4], peine toujours à remplir le rôle qui lui est dévolu dans le cadre de la lutte contre l’insécurité alimentaire. En effet, il ressort de la RAC 2023 que, dans le domaine agricole,  aucun des objectifs définis en termes de production céréalière, horticole et rizicole n’a été atteint à 100%. Aussi, s’agissant du sous-secteur de l’élevage, la même source révèle que les productions nationales de lait et de viande peinent toujours à satisfaire la demande intérieure. L’une des raisons explicatives de cet état de fait, d’après la source précitée, réside particulièrement dans les difficultés d’accès au crédit éprouvées par les acteurs du monde paysan. De fait, la pratique a révélé que les financements de la Banque mondiale ne profitent pas véritablement aux paysans, ce qui s’avère tout de même problématique. À titre illustratif, dans une étude de la DAPSA du Ministère de l’Agriculture publiée en juillet 2021, le niveau d’accès au financement des ménages agricoles était estimé à 9,4%[5].

Au regard du constat ainsi établi, la nécessité de procéder à la réforme du système de financement du monde agricole sonne comme une urgence dans la perspective de l’atteinte de la souveraineté alimentaire. À cet égard, pour plus d’efficacité et d’efficience, l’option d’un modèle de financement plus accessible aux acteurs devrait être envisagée par la Banque mondiale. Cela pourrait passer par une réduction de la chaine de financement à travers l’instauration d’un schéma de collaboration entre la Banque mondiale et des institutions comme la DER/FJ ou, directement, avec les coopératives agricoles.

[1] https://www.banquemondiale.org/fr/topic/agriculture/brief/food-security-update/what-is-food-security#:~:text=Selon%20la%20d%C3%A9finition%20qui%20en,satisfaire%20leurs%20besoins%20%C3%A9nerg%C3%A9tiques%20et

[2] Banque mondiale, Communiqué de presse du 12 mai 2020

[3] https://www.banquemondiale.org/fr/news/press-release/2024/01/22/enhancing-food-security-in-west-africa#:~:text=Le%20S%C3%A9n%C3%A9gal%20re%C3%A7oit%20une%20aide,s’adapter%20au%20changement%20climatique

[4] Troisième Plan d’’actions prioritaires du PSE pour la période 2024-2024 (PAP 3 2024-2028)

[5] Ministère de l’Agriculture et de l’Équipement Rural, Direction de l’Analyse et de la Prévision des Statistiques (DAPSA), « L’accès au financement par les ménages agricoles », Juillet 2021.

 

Samba DANG, membre du groupe parlementaire Yewwi askan wi et
Coordonnateur départemental de Pastef Mbirkilane.

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